mardi 18 février 2014

Le visage de l'ombre (1)

 

Extrait d’un vieux parchemin

L’an 0, 61e lune – Aube de la nouvelle ère :

« Aurions-Nous échoué ? Au premier jour, Nous avons décidé de sceller la magie pour créer une nouvelle ère de paix pour les Hommes. Nos pouvoirs ont, depuis lors, été emprisonnés dans de vulgaires pierres disséminées dans tout Iriah. Mais l’un d’entre Nous clame que malgré toutes nos précautions, le procédé inverse reste possible. Est-ce pour cette raison que ma pierre s’est mises à briller ? Malheur à celui qui se retrouvera possédé par cette magie… »



Prologue.


Panadil jeta un coup d’œil par-dessus la rambarde : personne. Sans hésiter, il se laissa glisser sur la corde qu’il avait su improviser à l’aide de divers vêtements. Une fois à terre, il regarda la fenêtre d’où il s’était enfui et se félicita d’avoir demandé à passer la soirée avec sa meilleure amie et son ancienne gouvernante qui elle, vivait au deuxième étage. De ses propres appartements, la descente aurait été moins aisée. Son estomac se noua en repensant à ce qu’il avait dû faire pour réussir son entreprise : droguer ses deux amies. Il s’en voulait, pourtant il n’avait guère eu le choix. Il devait s’en aller au plus vite, et sans se faire remarquer.

Panadil quitta prudemment l’enceinte du château puis s’élança vers les jardins royaux. Il courut plus d’une heure et finit par atteindre le labyrinthe fleuri. De hautes haies le surplombaient de trois têtes, ce qui lui permettait de passer inaperçu. Jusque-là, son plan se déroulait à merveille. Cela allait lui prendre du temps mais s’il ne faisait aucune erreur, il pourrait sortir du dédale sans trop d’encombre. Il sourit en se rappelant comment son père avait tenté d’en faire une barrière dissuasive. Même s’il n’y avait jamais mis les pieds à cause de l’interdiction de s’aventurer dans cette partie du palais, il en avait tout de même percé le mystère. Cela lui avait pris des années d’observation et de calcul, mais il l’avait fait.

Le jeune homme respecta scrupuleusement le plan qu’il avait mémorisé et marcha à vive allure pendant ce qui lui sembla être la moitié de la nuit. Epuisé, il approchait enfin de la sortie lorsqu’un bruit de pas l’interpella. Il se figea. Il savait sa petite taille propice pour se faufiler aisément au milieu des haies, mais ses mouvements avaient peut-être alerté les gardes. Il regarda derrière lui par réflexe et tendit l’oreille. Rien. Réalisant qu’il avait probablement rêvé, il se remit en route.

Un autre bruit l’arrêta alors. Il ne rêvait pas, quelqu’un marchait pas loin, voire très près. Une goutte de sueur perla sur son front. Il continua tout de même à avancer discrètement, conscient que si quelqu’un le rattrapait, il serait perdu. Le souffle court, il rejoignit la prochaine intersection et porta instinctivement la main à sa baluche, un besoin pressant de se rattacher à quelque chose de familier. Il avait emporté quelques souvenirs, des objets précieux ainsi que des provisions qui lui permettraient de survivre dans les terres où il se rendait, terres qui l’effrayaient tout autant que son royaume natal.

Les bruits de pas se rapprochèrent. Quatre… ou probablement cinq personnes le poursuivaient. S’était-il fait repérer ?

Panadil se retourna et vit des lueurs. L’alerte avait été donnée ! Il n’y avait plus une seconde à perdre. S’il ne sortait pas du labyrinthe dans les minutes qui suivaient, la herse principale se refermerait et il serait pris au piège.

Le jeune homme accéléra et passa plusieurs intersections en prenant soin de ne pas se tromper. Prendre la mauvaise route lui serait fatal, il se perdrait et son plan échouerait. D’autant plus que ses poursuivants se rapprochaient dangereusement. Eux aussi connaissaient les lieux, à l’évidence. Il continua ainsi jusqu’au dernier embranchement et son rythme cardiaque ralentit lorsqu’il vit de la lumière au loin. Il avait réussi.

— Halte !
Le jeune homme prit peur mais continua à courir, espérant que son poursuivant ne serait pas assez rapide. Lorsqu’il atteignit la sortie cependant, il se rendit compte que c’était inutile. Un homme se tenait devant lui, une épée en main. Les grands moyens avaient été employés pour le retrouver, songea-t-il en reconnaissant le maître de la garde royale. Panadil s’arrêta.

­­­­— Monsieur ? s’étonna l’homme. Arrêtez-vous je vous prie.
Comme vous le voyez, c’est déjà fait Altran, marmonna Panadil sans bouger d’un pouce.
— Je vois. Je n’ai pas voulu y croire lorsque j’ai entendu l’alerte. Je ne connais personne d’assez fou pour pénétrer dans ce labyrinthe.
— Je suppose que je dois l’être dans ce cas, et ceux qui me poursuivent aussi, répliqua Panadil, se forçant à sourire.
— Vous ne devriez pas faire de l’esprit, ce que vous venez de faire est interdit ! Sa Majesté va être furieuse ! Que vous arrive-t-il ? Pourquoi désobéir et prendre cette route ?
— J’ai mes raisons. Me laisserez-vous passer ?
— Trêve de bavardages ! s’écria une autre voix.
Panadil se retourna et vit apparaître Balzac, le lieutenant d’Altran. C’était un soldat loyal dévoué corps et âme au roi. Inutile donc d’essayer de discutailler avec lui.
Balzac le dépassa et vint se placer devant lui, l’arme à la main et le regard menaçant.
— Nous ne pouvons vous laisser passer, nous devons vous ramener au château. Votre père décidera de la suite.
— Du calme Balzac, intervint Altran d’une voix ferme. Tu peux baisser ton arme, il nous suivra sans faire d’histoires.

Le lieutenant approuva d’un signe de tête et s’empara du coude de Panadil, le forçant à les suivre. Le jeune homme ne se fit pas prier et leur emboita le pas sans s’arrêter de réfléchir. Il savait que la porte qui le mènerait à sa liberté était à quelques minutes de course à peine et qu’elle se refermerait bientôt. Il avait attendu cette occasion des mois durant alors il devait s’échapper. Et pour cela, il n’y avait qu’une solution.

Le jeune homme profita d’un moment d’inattention des gardes pour se dégager et plonger son regard dans le leur. Il fit appel à son pouvoir et le sentit très vite affluer dans sa tête. Il envoya l’ordre puis s’enfuit sans se retourner.

Altran regretta immédiatement son manque de vigilance. Le jeune homme avait des pouvoirs et il le savait. Le roi l’avait prévenu, jamais il n’aurait dû le regarder dans les yeux. La silhouette du prince qui s’enfuyait fut la dernière chose qu’il vit avant de sombrer dans l’inconscience.

Panadil courait vers la grande herse, hésitant à regarder en arrière. Il finit cependant par jeter un coup d’œil furtif derrière lui et vit Altran se saisir de Balzac puis l’assommer d’un puissant coup sur la tête. Le maître de la garde resta immobile un instant puis s’empara de son épée. Panadil retint un cri lorsqu’il la leva pour l’abattre sur son lieutenant.
Etait-ce de sa faute ? Il avait ordonné à Altran de l’aider à s’enfuir par tous les moyens. Jamais il ne se serait douté qu’il tuerait son second. Il venait d’ôter la vie à un innocent, encore une fois… Mais il ne pouvait se résoudre à penser de la sorte. C’était un sacrifice pour sauver des milliers de vies.

Déterminé, Panadil franchit la distance le séparant de la herse, qui se refermait déjà à mesure que le soleil se levait. D’un bond, il se jeta en dessous et la franchit de justesse. Il se retourna alors pour jeter un dernier coup d’œil à son ancienne vie. Il vit au loin trois autres gardes sortir du labyrinthe et s’approcher d’Altran en courant. Le cœur battant, il pria alors pour que les Dieux lui pardonnent, et  que le meurtre de Balzac reste impuni.

Sans hésiter davantage, il s’enfonça dans la forêt qui se dessinait devant lui, sans remarquer que derrière, les murs et les jardins du château s’effaçaient au fur et à mesure qu’il avançait.

*/*


Tous les extraits de mes livres sont disponibles dans l'onglet / libellé "EXTRAITS".

La description de tous mes livres sont également disponibles dans l'onglet "MES LIVRES", et vous pouvez lire des avis dans l'onglet "PRESSE"


Bonne journée ! 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci d'avance de votre passage ici et de vos commentaires ♥